De plus en plus souvent confrontés au vol, les retailers y font face de différentes manières.
Le vol en magasin est un problème persistant. Les chiffres de la police fédérale révèlent une augmentation des signalements : 22.471 en 2019, avant la pandémie, 23.267 en 2022 et 24.021 en 2023. Le nombre réel de vols est bien plus élevé. En effet, la majorité – 90 % selon Buurtsuper.be – ne seraient pas signalés. Il n'est pas possible de déterminer si cette augmentation est liée au plus grand nombre de caisses automatiques mais il y a des indications claires dans ce sens.
Une série d'experts et de retailers estiment que le vol représente, selon les magasins, entre 0,5 et 1 % du chiffre d'affaires, soit une grande partie de la marge bénéficiaire. “Il nous coûte environ 1 % du chiffre d'affaires dans nos deux magasins”, témoigne Renaud Caeymaex, qui dirige deux AD Delhaize, à Braine-l'Alleud et Evere. “Les vols ont effectivement augmenté ces dernières années mais certains passent encore sous le radar. Je ne sais pas si les clients sont toujours conscients de l'impact considérable sur notre chiffre d'affaires. Nous avons fait le choix de nous armer, y compris de caméras. Nous parvenons à réduire le nombre de vols, mais ce n'est pas évident.”
De nombreux retailers se découragent tant le phénomène persiste et semble difficile à éradiquer. L'ancien ministre de la justice, Vincent Van Quickenborne, a tenté de s'y attaquer avec des amendes immédiates pouvant atteindre 350 euros en fonction des produits volés. Celles-ci n'ont guère de succès, voire pas du tout. Selon une récente enquête de Buurtsuper.be, à peine 5 % des exploitants indépendants y ont eu recours l'an dernier.
Tous les commerçants ne se précipitent pas à la police : cela prend beaucoup de temps et d'énergie, sans être certain d'obtenir quelque chose. “Avant toute autre démarche, nous essayons toujours de faire payer le voleur, parfois en plusieurs fois si nécessaire”, explique Catherine Cannaerts, propriétaire d'un AD Delhaize à Heist-op-den-Berg. “Quand elle est possible, c'est la solution que je préfère. D'expérience, je sais que lorsque la police intervient j'ai peu de chances de récupérer mon argent.
Manager d'un AD Delhaize à Oostmalle, Björn Verschaeren n'est pas du même avis. “Avec les adultes, j'appelle toujours la police. Je les fais payer, car il s'agit souvent de personnes qui ont déjà volé. D'après mon expérience, c'est la meilleure chose à faire et je pense que l'investissement en vaut la peine. Mais c'est différent avec des jeunes. J'ai récemment surpris des écoliers en train de voler des beignets et, dans ce cas, j'ai l'habitude d'appeler les parents. C'est d'ailleurs ma règle avec les mineurs. Les parents sont très heureux que je les appelle et punissent plus sévèrement que la police. Et quand les jeunes sont arrogants, je n'hésite pas à le leur dire. Les parents sont généralement contents de le savoir.” Renaud Caeymaex ajoute : “La plupart des voleurs paient immédiatement lorsqu'ils sont pris sur le fait. C'est ça ou la police, que je n'appelle pas souvent. Je pourrais aussi donner une amende, mais c'est très exceptionnel.”

Selon Buurtsuper.be, de plus en plus de commerçants prennent eux-mêmes les choses en main. Plus d'un sur dix (13 %) déclare avoir déjà fait payer des dommages et intérêts à un voleur, sans intervention de la police. Buurtsuper.be espère que le nouveau gouvernement fédéral choisira de mettre en œuvre le système ‘Afrekenen met winkeldieven’ (sanctionner les voleurs à l’étalage), appliqué avec succès aux Pays-Bas depuis de nombreuses années. Il permet à un commerçant et à un voleur de conclure une transaction avec versement d'une indemnité. Le commerçant remet ensuite un formulaire à la police, qui dresse procès-verbal et informe le procureur, sans qu'aucune procédure pénale ne s'ensuive. L'enthousiasme du monde politique pour relancer le projet n'est pas certain.
Dans la ligne de cette approche, Albert Heijn Belgique réclame une indemnisation de 141 euros en cas de vol. L'autre solution consiste à faire intervenir la police, mais la majorité des clients préfère l'éviter, explique Arie Jan van Os, propriétaire de Service Organisatie Directe Aansprakelijkstelling (SODA), un organisme néerlandais qui aide les retailers – y compris Albert Heijn – à obtenir des dommages-intérêts en cas de délit. “141 euros, c'est le montant que nous obtenons lorsque nous calculons les coûts de main-d'œuvre encourus par un retailer. Ce montant comprend notre commission de 50 euros. Notre intervention est plus efficace que celle de la police, qui manque d'ailleurs souvent de temps. Malheureusement, nous constatons que de nombreux retailers optent pour la facilité : faire payer le voleur et le mettre dehors avec un bon coup de pied aux fesses. Mais ça ne résout rien car il s'en tire à bon compte et n'hésitera pas à recommencer. En revanche, exiger des frais décourage les voleurs de récidiver. Nous avons pris au hasard 2.500 dossiers traités par nos services : dans aucun cas, le délinquant n'a récidivé”, conclut Arie Jan van Os.
Source : Gondola